38

Jag se considérait avant tout comme un as de la chasse stellaire, surtout pas comme un pilote tout juste bon à l’épandage des champs. Il avait accepté la mission d’emmener les Soleils Jumeaux jusqu’à Coruscant, mais pas avec le même enthousiasme que si on lui avait confié un boulot à réaliser en plein espace. Comme la plupart de ceux qui avaient gagné leurs ailes en gravité zéro, il considérait l’atmosphère comme une punition. Les manœuvres qu’on y effectuait n’étaient pas aussi subtiles, même si l’appareil bénéficiait d’une ligne aérodynamique, même si ses répulseurs répondaient au doigt et à l’œil. L’Aile-X verte, couverte de brûlures, qu’on lui avait confiée à Westport lui semblait mollassonne, instable, surtout comparée à une Griffe Chiss. Mais Jag savait garder ses doléances pour lui-même. Il avait une mission à exécuter et ne faillirait en aucun cas à ses engagements.

Filant vers l’est depuis la zone d’atterrissage occupée par l’Alliance, il manœuvra son chasseur au milieu des rafales ascendantes de plasma et des chutes de débris. La forteresse de Shimrra apparut devant lui, dominant l’horizon, au-dessus d’une nappe de nuages et de fumées qui recouvrait tout le quartier sacré. Deux ans seulement auparavant, les sommets de douzaines d’élégants bâtiments crevaient ainsi le plafond nuageux. Aujourd’hui, il n’y avait plus que cette affreuse montagne aux flancs escarpés.

Quelque part en bas, Jaina devait être en train d’avancer vers le même objectif, en compagnie de son frère et de son oncle, ainsi que d’une petite équipe de commandos et de droïdes.

« Prends bien soin de toi », lui avait-elle dit sur la plateforme inondée où le Faucon Millenium avait déposé les Jedi. Et Jag avait bien l’intention de ne pas la décevoir. Quand il avait demandé à la jeune femme d’en faire autant, celle-ci lui avait répondu que la Force prendrait soin d’elle.

Il n’avait pas souhaité débattre de la question.

Devant lui, vingt chasseurs stellaires volaient en cercle autour de la citadelle, décochant rayons laser, torpilles à protons et grenades à fragmentation vers son sommet. Une sensation de désespoir commença à éroder la résolution de Jag. Même privée des insatiables vides susceptibles d’aspirer tout ce que les appareils pouvaient lui destiner, la citadelle serait imprenable, quoi qu’il advienne. Autant essayer de faire exploser une chaîne de montagnes. Il n’y avait aucun corail skipper en vue, mais des décharges de plasma ne cessaient de jaillir de puits creusés dans les parois de la forteresse, saturant les boucliers déflecteurs de tous les chasseurs stellaires.

Le droïde assigné à l’Aile-X afficha des informations de vol sur les moniteurs du cockpit. Jag régla sa console de communication sur la fréquence tactique.

— Ça risque d’être pire que quand on a franchi les basals dovins orbitaux ! s’exclama l’un des pilotes.

— Garde un doigt sur la commande de compensation gravifique, sinon, ces trous noirs te foutront en l’air ! annonça un autre.

— Ils bouffent tout ce que je leur balance !

— Fais gaffe, ils pourraient finir par te trouver appétissant.

— Ouais, ils sont devenus très friands de chasseurs stellaires.

— Surtout les jaunes à rayures noires !

— Pigé, Leader Rogue.

— A tous les vaisseaux, regroupez-vous derrière moi pour un balayage par bâbord. Réglez vos lasers sur tirs en rafales et préparez tout ce qui vous reste comme torpilles et comme missiles. Souvenez-vous bien d’une chose : on dirait une montagne mais il s’agit d’un vaisseau. Ce qui signifie qu’on doit pouvoir en perforer la coque.

— On vous suit, Rogue Un.

Jag vit que deux des chasseurs qui se trouvaient dans l’axe de son aile tribord étaient des Griffes. Il ouvrit un canal pour appeler celle qui se trouvait le plus près.

— Soleil Jumeau Quatre ? Je suis juste sur ta gauche.

— Jag ! s’exclama une voix féminine. Je te croyais mort !

— J’ai été sauvé par un arbre, Shawnkyr, tu le crois, ça ?

— Et tu ne préférerais pas rentrer chez toi ?

— Dès qu’on en aura terminé, je serai le premier à m’arracher les grelots d’ici !

Shawnkyr éclata de rire.

— Fais gaffe, tu vires romantique, Fel.

— T’es toujours sur mon dos à vouloir me couver, pas vrai ?

— Si c’est pas moi, qui le fera, alors ? rétorqua-t-elle. Tiens, pendant que j’y pense, où est donc notre Sabre des Jedi ?

— Quelque part en bas, progressant vers l’ouest…

— Bon, eh bien essayons de ne pas lui faire tomber cette montagne sur la tête !

 

— Pourtant, ça a bien marché avec le mon duul, tout à l’heure ! parvint à dire Jaina tout en fouettant l’air de son sabre laser.

Acculés dans un renfoncement bordé d’arbres feuillus, à une centaine de mètres de la passerelle ouest desservant la citadelle de Shimrra, elle et Luke repoussaient les volées de scarabées qu’on leur jetait depuis les meurtrières creusées dans les flancs de la montagne sacrée. Un peu plus loin, vers l’entrée du pont, Jacen était en train d’essayer de raisonner les créatures occupées à dévorer le pont. Sans succès. Un trio de droïdes CYV avait précédemment tenté d’employer des méthodes de persuasion beaucoup moins subtiles, mais ils avaient été mis en pièces aussi sec et instantanément ingérés.

— Au moins, Shimrra ne peut pas nous parler par l’intermédiaire de ces deux-là ! dit Luke.

— Au contraire, je crois qu’il cherche à bien nous faire comprendre le message ! rétorqua Jaina.

Créatures gargantuesques, le sgauru et le tu-scart s’étaient associés dans la destruction de la passerelle. Considérant que le premier était une femelle et le deuxième un mâle, il s’agissait nettement d’un mariage hors normes. Sur Duro, au campement de Narthex, le couple avait démontré l’étendue de ses talents en démolissant les bâtiments. La même abnégation et le même soin étaient actuellement utilisés dans la dévastation du pont de corail yorik. Le Sgauru, au corps segmenté et à l’épaisse carapace, s’occupait du travail de démolition. De petits yeux noirs ponctuaient sa grosse tête blanche, sa bouche était dotée de douzaines de mandibules. Ses puissantes pinces arrière s’accrochaient autour de la partie supérieure du corps reptilien de son compagnon et elle se servait de ses courtes pattes avant et de son énorme gueule pour broyer le corail. Les morceaux qui tombaient étaient ensuite pulvérisés par la longue queue noire et musclée du tu-scart.

Privés de leur équipe habituelle de dresseurs, les deux monstres avaient surgi d’une excavation s’ouvrant sous le pont et par laquelle jaillissaient des trombes d’eau tombant en cataracte vers le pied de la citadelle. Balayée par la pluie et les vents, la forteresse monolithique se dressait au-dessus des Jedi, telle la lame aiguisée d’un Coufee poignardant les cieux déjà déchirés par les combats. Avec ses ailes immenses, ses plaques de mousse d’un vert émeraude poussant un peu partout et ses innombrables lianes jaillissant de ses moindres recoins, le vaisseau-monde était trop escarpé pour qu’on puisse réellement en évaluer la taille, même avec l’aide de la Force. Des chasseurs stellaires volaient en cercle tout autour du sommet arrondi. Ceux qui s’étaient approchés à moins de mille mètres de la citadelle de Shimrra avaient été détruits. Leurs restes jonchaient le terrain accidenté et inondé à des kilomètres à la ronde.

Bien en dessous de la passerelle, à la base de la forteresse, une embouchure obscure permettait d’accéder aux profondeurs de la montagne. Cette ouverture était férocement gardée par des esclaves reptoïdes. Sautant de terrasse en terrasse le long des parois du canyon urbain, les commandos de Page et les droïdes CYV prirent leurs positions de tir. L’ennemi était cependant bien retranché et répondit aux rayons des blasters de l’Alliance par des décharges de gelée hautement inflammables produites par les redoutables abeilles-étincelles.

Pour que les Jedi puissent s’introduire dans la citadelle, Jacen devait parvenir à convaincre le sgauru et le tu-scart de cesser la destruction de la passerelle ouest pendant qu’une bande étroite de corail était encore intacte. Il avança de quelques pas avec précaution vers les créatures. Soudain, de violentes secousses, se produisant à intervalles réguliers, commencèrent à ébranler le fragile édifice. Jacen se figea.

— Qu’est-ce qui se passe encore ? hurla Jaina à Luke. Zonama Sekot a l’intention de passer en rase-mottes ?

Le fracas se fit plus fort, les secousses plus violentes. Jacen parvint, tant bien que mal, à conserver son équilibre sur la passerelle oscillante. Mais la portion épargnée par les deux monstres commença à céder sous les séismes répétés. Le corail yorik se fissura et des segments du pont furent précipités dans le torrent en contrebas. Au même moment, deux quadrupèdes à carapace firent leur apparition au pied de la citadelle. D’un pas pesant, ils prirent position juste derrière les soldats esclaves. Ils plantèrent leurs puissantes griffes antérieures dans la berge de la rivière et baissèrent leur tête triangulaire. Du plasma jaillit des grosses cornes saillant de leurs fronts osseux, arrosant les parois du canyon et obligeant les commandos et les CYV à battre en retraite.

L’entrée de la caverne à la base de la forteresse étant devenue inaccessible, Jacen comprit que le sgauru et le tu-scart représentaient leur seul espoir. Il fallait convaincre ces monstres de s’attaquer aux murs de la citadelle. Jacen devina que sa meilleure chance d’y parvenir serait d’abandonner la Force et de s’en remettre exclusivement à son sens Vong, ce qu’il n’avait pas tenté depuis son arrivée sur Coruscant. Il se sentit comme un interrupteur coincé entre deux électrodes, la Force d’un côté et le sens Vong de l’autre. Il comprit alors que le seul moyen d’obliger le couple infernal à obéir était de communiquer avec lui par l’intermédiaire du Cerveau-Monde.

C’était lors du voyage à bord du vaisseau Yuuzhan Vong qui avait transporté le Jedi et le dhuryam vers Coruscant que Jacen et le Cerveau-Monde avaient trouvé un premier terrain d’entente. En détruisant les rivaux potentiels du cerveau, le jeune homme avait réussi à déterminer quel serait le dhuryam qui aurait l’honneur de transformer Coruscant en Yuuzhan’tar. Plus important encore, il avait contribué à la mise en place d’un Cerveau-Monde tout disposé à partager des informations avec lui. Tout ce que la planète était devenue depuis, à la fois magnifique et monstrueuse, délicate et brutale, symbiotique et parasitaire, avait quelque chose à voir avec l’intervention de Jacen. Et pourtant, en projetant son sens Vong, le jeune homme eut du mal à capter l’attention du dhuryam. C’était probablement dû au fait que le Cerveau-Monde était accaparé par tout ce qui se passait sur Coruscant. Sans oublier le fait que la créature devait consacrer une bonne partie de son énergie à exécuter les ordres de Shimrra.

A bord du vaisseau, et au cours de la période qui avait suivi le voyage jusqu’à la planète, Jacen avait découvert que le dhuryam était une créature intelligente, conçue spécialement pour ne pas se laisser influencer. Aujourd’hui, le Cerveau-Monde était pris entre le conflit et la colère. Shimrra était parvenu, en le cajolant, à lui faire croire que les incendies et les orages, la démolition et la destruction, étaient nécessaires à la réparation des dégâts causés à Yuuzhan’tar par l’arrivée de Zonama Sekot. Mais, tout en s’exécutant, le cerveau avait dû comprendre qu’il était en train de détruire lui-même tout ce qu’il avait créé. De plus, il reniait par ses actes la volonté de Shimrra et du peuple Yuuzhan Vong de ne jamais se laisser corrompre. N’ayant pas été habitué à désobéir et encore moins à tolérer le désordre, le cerveau était en guerre avec lui-même en s’attaquant à ce monde qu’on lui avait confié. Comme lors du séjour à bord du vaisseau, il se rendait compte que son domaine était soudainement en train de tomber en ruine, d’être réduit à néant. Le cerveau luttait avec l’idée qu’il pourrait certainement améliorer les choses s’il se décidait à ignorer Shimrra.

Rassemblant toute sa perception Vong, Jacen promit au dhuryam qu’il l’aiderait à résoudre ce conflit intérieur. Il lui expliqua qu’il forcerait Shimrra à relâcher son emprise. En retour, il sentit le Cerveau-Monde se confier à lui, comme le ferait un ami dans le besoin. Le Jedi se sentit envahi d’une vague de gratitude…

Brusquement, le sgauru et le tu-scart se tournèrent vers Jacen, visiblement sous l’influence du cerveau.

Le Jedi comprit que le moment était venu de prouver sa foi dans le pacte que le dhuryam et lui avaient scellé.

Ignorant les cris de Luke et de Jaina, il s’avança vers le couple de monstres.

Presque immédiatement, il fut saisi à la taille par deux appendices préhensiles. Le sgauru le souleva de terre, au-dessus de la passerelle démolie, et le lança de l’autre côté du canyon. Mais pas vers la citadelle. L’animal le projeta de telle sorte qu’il retombe au beau milieu des soldats esclaves et des monstres lanceurs de plasma qui se battaient au pied de la forteresse.

 

Dans le cockpit du Faucon, le comlink retransmettait les bruits des blasters… et des appels à l’aide. C-3PO reconnut la voix du Capitaine Solo :

— C-3PO ! Baisse la rampe d’accès ! C-3PO ! C-3PO !

Le droïde de protocole cessa de marcher de long en large et leva une main vers R2-D2, dont l’un des bras d’interface était inséré dans une prise de la paroi du corridor circulaire, près de l’écoutille principale.

— R2, fais quelque chose avant qu’il ne soit trop tard !

D’un pas raide, C-3PO gagna le poste de pilotage. Par la verrière, il ne vit que l’impénétrable enchevêtrement de branchages couverts d’épines. Stupéfait, il revint en trottinant vers la coursive pour aller frapper de façon répétée la commande manuelle de la passerelle.

— Oh, ça ne sert à rien ! Les ronces ont totalement emprisonné le Faucon Millenium. Le Capitaine Solo et la Princesse vont mourir ! Et nous, nous sommes piégés, comme de vulgaires artefacts dans la vitrine d’un musée !

R2-D2 sifflota une phrase encourageante. C-3PO cessa de manipuler le bouton et regarda son compère.

— Tu peux faire une chose pareille ? Tu peux dévier l’énergie des boucliers déflecteurs pour envoyer une décharge à travers la coque ?

Le droïde de protocole leva les mains au ciel.

— Mais pourquoi ne pas l’avoir dit plus tôt ?

Le petit astromécano blanc et bleu couina et grinça pour protester.

— Sottises ! s’exclama C-3PO. Tu essayes simplement de me faire peur ! Tu n’es jamais satisfait tant que tu n’as pas réussi à me rendre dingue !

R2-D2 émit une série de sifflements très solennels.

C-3PO adopta une posture offusquée.

— Ah, ne recommence pas avec ces histoires ! « Tout doit avoir une fin… Il faut savoir faire face… » Sache, mon petit monsieur, que je me prépare à affronter ma propre annihilation depuis le début de cette guerre. C’est vrai. Et bien avant que tu ne commences à te comporter en philosophe ! Alors, maintenant, tais-toi, fais ce que tu as suggéré et envoie une décharge à travers la coque !

Empruntant de nouveau la coursive circulaire, C-3PO se posta à l’entrée du cockpit afin de pouvoir observer l’extérieur par la verrière, tout en gardant un photorécepteur sur son homologue. Quelques secondes plus tard, le bras d’interface de R2 commença à pivoter dans la prise, d’abord dans une direction, puis dans l’autre, et des crépitements électriques retentirent à travers les plaques de blindage du Faucon. Le capteur olfactif installé dans la poitrine de C-3PO détecta une odeur d’ozone et de bois brûlé.

— Ça marche, R2 ! cria-t-il. Les ronces sont en train de se rétracter ! Loué soit le Grand Concepteur, nous sommes libres !

R2-D2 formula une question.

— Oui, bien sûr que tu devrais abaisser la rampe d’accès, répondit C-3PO en se précipitant vers l’écoutille. Plus tôt nous quitterons cet endroit, mieux ce sera !

Il tourna sur sa gauche en dérapant, posa un pied sur la passerelle dont l’extrémité venait tout juste de heurter le sol de la place.

— Nous sommes libres, R2… Ahhh !

R2 laissa échapper un crissement de panique. Un guerrier Yuuzhan Vong, tatoué et scarifié des pieds à la tête, était en train de se précipiter vers la rampe.

— Vous n’avez pas l’autorisation de monter à bord ! s’exclama sans réfléchir C-3PO, trop effrayé pour bouger.

Le guerrier se contenta de grogner de façon méprisante et continua d’avancer. Il avait à peine gravi la moitié de la passerelle qu’un blaster tonna derrière lui. Un rayon écarlate lui traversa le cou et il s’écroula face contre terre, à un mètre de l’endroit où s’était figé C-3PO.

Au pied de la rampe se tenait le Capitaine Solo, son vieux blaster au poing. C-3PO vit alors son maître sursauter, écarquiller les yeux vers sa gauche et se remettre à tirer. Harrar, la Princesse Leia, Cakhmaim et Meewahl escaladèrent la rampe et durent se contorsionner pour franchir l’écoutille en évitant le cadavre du Yuuzhan Vong.

— C-3PO, prépare-toi à remonter la rampe ! cria Solo.

Il décocha encore quelques rayons laser, puis se baissa précipitamment pour éviter une volée de bâtons Amphi avant de se jeter à plat ventre sur la rampe.

— Allez ! Remonte cette rampe !

— Mais, Capitaine…

— Leia ! File au cockpit, fais-moi décoller cet engin !

Solo était toujours en train de ramper, lorsqu’une branche, soudainement libérée, se déplia et envoya une volée de ronces se coincer entre la carlingue et le haut de la passerelle, empêchant ainsi la fermeture de la rampe. Par l’ouverture se déployèrent alors de longues et épaisses épines.

— Attention, elles sont mortelles ! hurla Harrar.

Le prêtre, les deux humains et les deux Noghri se lancèrent dans une chaotique chorégraphie pour éviter les épines qui poussaient à une vitesse ahurissante. Une rafale de scarabées paralysants vint s’écraser contre la coque ventrale du Faucon. Dans l’espace de plus en plus confiné du haut de la rampe, Leia activa son sabre laser et commença à trancher les branches qui ne cessaient de s’allonger.

— Ça ne sert à rien ! Je n’arrive pas à les couper assez vite !

Elle éteignit son sabre, passa en trombe devant C-3PO et gagna le cockpit.

— R2, cria C-3PO, envoie une nouvelle décharge dans la coque !

Une nouvelle série d’arcs électriques parcourut la coque et les branches se rétractèrent. Mais, au lieu de se refermer complètement, la rampe d’accès retomba lourdement jusqu’au sol. Deux guerriers Yuuzhan Vong bondirent mais furent immédiatement abattus par des rayons tirés par Cakhmaim, qui fit prestement un pas de côté pour éviter que son bras droit ne soit transpercé par une épine de cinquante centimètres de long. La passerelle recommença à se fermer mais les ronces revinrent à la charge, l’empêchant à nouveau de se sceller.

C-3PO entendit les moteurs à répulsion du Faucon se mettre en route. Le cargo ne parvint à se soulever que de deux mètres et les propulseurs commencèrent à gémir.

— Han ! Je n’arrive pas à décoller ! cria Leia.

Une autre décharge électrique courut le long de la coque. A nouveau, les ronces se retirèrent et, encore une fois, la rampe heurta lourdement le sol.

— R2, non ! se lamenta C-3PO.

Impossible d’arrêter les guerriers, cette fois. Impossible de repousser les lianes et les ronces, qui repoussaient à une telle vitesse et en telle quantité que la rampe fut définitivement immobilisée. Cakhmaim et Meewahl firent de leur mieux contre les Yuuzhan Vong qui tentaient de monter à bord. Mais, après avoir abattu une bonne douzaine d’adversaires, les Noghri se laissèrent déborder, désarmer et clouer au sol. Han tirait derrière lui tout en fuyant par le corridor circulaire, les renforts Vong ne cessaient d’affluer. Bientôt, Leia et lui furent acculés dans le compartiment avant. Quelques guerriers avaient eu l’idée de contourner le Faucon pour emprunter l’accès bâbord.

Appuyé contre la table de dejarik, son blaster d’une main, serrant l’épaule de Leia de l’autre, Han Solo parait coups de bâtons Amphi et attaques de Coufee. Jusqu’à ce que l’un des guerriers pointe les crocs de son arme reptilienne sur la gorge de Leia. Faisant une grimace, Solo laissa tomber son blaster. Leia fit de même et éteignit son sabre laser.

— Bon, d’accord, vous nous avez chopés, dit-il aux guerriers qui continuaient d’avancer sur eux. Je suis sûr qu’il y a un moyen de discuter de tout ceci, non ?

Les chances que l’un d’entre eux comprenne le Basique étaient infimes, mais ils comprirent le sens général de ses propos et cessèrent d’avancer.

Quelques instants plus tard, une femme Yuuzhan Vong, coiffée d’une couronne de tentacules et dotée d’une main droite à huit doigts, se fraya un chemin dans la foule compacte des guerriers assemblés dans le compartiment avant. En la voyant, R2-D2 laissa échapper un long et triste sifflement.

— Tu as raison, R2, c’est bien une modeleuse, acquiesça C-3PO en hochant la tête.

La laborantine évalua Han et Leia du regard puis se tourna vers ses guerriers. C-3PO comprit ce qu’elle leur dit :

— Rassemblez leurs armes et faites-les sortir de ce vaisseau.

Cakhmaim, Meewahl, R2-D2, C-3PO, Leia et Han furent escortés à l’extérieur du Faucon en file indienne. Harrar se trouvait déjà dehors. Pendant que le cortège était poussé sans ménagement vers l’entrée du dôme de corail yorik, deux mâles Yuuzhan Vong élégamment vêtus apparurent au portail. Le plus petit des deux était coiffé d’un haut turban.

— Le Haut Préfet Drathul et le Grand Prêtre Jakan, chuchota Harrar à l’intention de Han et de Leia.

La modeleuse agita les mains, aspergeant les branches de gouttelettes – de la sueur ou toute autre sécrétion corporelle –, et les ronces se mirent à pousser de plus belle.

En l’espace de quelques instants, le Faucon Millenium fut totalement emprisonné.

— On prétend que ce vaisseau particulier fut la cause de bien des troubles, annonça la laborantine à Jakan et à Drathul.

Elle fit un geste vers les sept prisonniers.

— Des captifs de valeur. Y compris un Jeedai, pas moins !

Une lueur de jubilation traversa les yeux de Jakan quand ils se posèrent sur Harrar.

— Nous qui pensions que tu étais encore sur la Bordure Extérieure !

Il posa une main frêle sur l’épaule du prêtre.

— Te voilà rentré chez toi, mon ami. En fait, tu auras même l’honneur d’officier lors du sacrifice que nous projetons d’organiser au Puits du Cerveau-Monde.

Harrar soutint le regard de Jakan mais ne lui retourna pas son sourire.

— Tu n’as donc rien compris, Grand Prêtre, dit-il en langage Yuuzhan Vong. Si je suis ici, c’est pour neutraliser le cerveau…

 

Près du système périphérique du monde de Muscave, l’affrontement faisait toujours rage. Des centaines de coraux skippers et engins de combat, ainsi que des douzaines de navires de guerre, avaient été sacrifiés dans une bataille rangée qui avait rapidement dégénéré en authentique pugilat. L’espace environnant n’était plus qu’une toile de feu et de lumière, tissée dans la seule intention de causer des dommages.

Le Maître de Guerre Nas Choka n’aurait pu être plus satisfait.

Il se tenait dans la zone avancée de la bulle d’observation de sa chambre de commandement, pareil à une figure de proue, les bras croisés sur son estomac rebondi, son menton, à la pilosité finement tressée, relevé en une attitude de défi.

— Les commandeurs ennemis continuent d’échanger des coups avec nous non parce qu’ils sont valeureux mais parce qu’ils croient ainsi nous empêcher de retourner à Yuuzhan’tar. Ils se basent sur le fait que nous n’abandonnerons jamais les premiers un affrontement d’une telle ampleur.

Il se tourna légèrement de côté pour s’adresser à son chef tacticien.

— Nous allons les encourager dans leur erreur. Ordonne à nos suprêmes commandeurs de commencer à se replier, qu’ils laissent leurs vaisseaux se disperser. Laissons l’Alliance croire qu’ils sont en train de nous mettre en déroute.

L’ensemble de la chambre de commandement trembla sous le coup d’une rafale de turbolaser ayant échappé aux anomalies de protection du navire. Des pans de corail yorik volèrent en éclats le long de la coque tribord. Un fluide épais, auquel se mélangèrent des rubans de lichens luminescents, s’échappa par la brèche.

— Quelle quantité de coups le Yammka peut-il encore endurer ? demanda Nas Choka au modeleur du vaisseau.

— Six de nos principaux basals dovins sont morts, répondit prestement celui-ci. La plupart de nos lanceurs de plasma ont été détruits. Maître de Guerre, peut-être pourriez-vous envisager de soustraire le Destrier de Yammka de l’avant-garde de la flotte…

— Non ! Je veux que l’attention de l’ennemi reste braquée sur nous. Nous devons rester ici comme cible principale.

— Nous pourrions être anéantis, Maître de Guerre, dit le tacticien avec prudence.

Nas Choka hocha la tête.

— Le risque est acceptable. Aujourd’hui, nous devons servir notre espèce comme aucun Yuuzhan Vong ne l’a jamais fait. Nous allons prouver notre valeur aux dieux qui nous ont façonnés. Si nous devons mourir, nous le ferons sans faillir à nos obligations.

L’iris du sas de la chambre de commandement se dilata et le suprême commandeur fit son entrée. Il salua son supérieur en frappant ses poings opposés contre ses épaules.

— Maître de Guerre, rapport de nos éclaireurs : le Ralroost et quarante autres navires de guerre viennent d’émerger du sombrespace.

Nas Choka regarda fixement devant lui, en direction de l’endroit où la flotte ennemie avait dû se matérialiser.

— Il doit s’agir de Traest Kre’fey, dit-il en souriant légèrement. Tout se passe comme prévu. Les dieux nous sont favorables.

Le suprême commandeur exécuta une génuflexion.

— Maître de Guerre, tous nos commandeurs tiennent à vous faire savoir qu’ils sont prêts à substituer leurs vaisseaux au vôtre et qu’ils sont également prêts à mourir à vos côtés.

Le visage de Nas Choka ne trahit aucune émotion.

— Retourne à ton travail, Suprême Commandeur.

Le guerrier se leva et salua de nouveau. Le tacticien attendit qu’il soit sorti, avant de venir se poster à la gauche de Nas Choka.

— Vous disposez du dévouement absolu de vos guerriers, Grand Redoutable. Ils suivront vos ordres sans discuter. Mêmes les ordres qui risqueraient de les faire douter de leur propre foi.

Les yeux de Nas Choka demeurèrent braqués sur les combats.

— Parle-moi de Yuuzhan’tar, tacticien.

— Des vaisseaux ennemis ont franchi les défenses de nos basals dovins. Des groupes d’assaut se trouvent à présent à la surface. Un millier de fantassins affrontent nos guerriers dans le quartier sacré. D’autres sont partis à la rescousse des hérétiques. Fort heureusement, le dhuryam a pris des dispositions pour semer la confusion.

— A savoir ?

— En déclenchant des incendies et en lâchant certaines de nos bêtes. Cependant, le territoire entourant la citadelle est sujet à un profond chaos.

Nas Choka fit un geste de la main témoignant que ce n’était pas ce qui le préoccupait.

— Une structure, ça se reconstruit. Qu’en est-il de Shimrra ?

— Le Seigneur Suprême se trouve dans son enceinte privée.

— Effectivement, tout se passe comme prévu.

— Il souhaite vous faire savoir, Maître de Guerre, que vos actions font honneur à toute notre élite. Le Seigneur Suprême a déclaré que votre nom serait à jamais honoré et servirait d’inspiration à tous. Vous représentez ce zénith que tous ceux qui vous suivent cherchent à atteindre.

— Cela ne représentera pas grand-chose tant que nous n’aurons pas conquis Zonama Sekot.

Le tacticien hocha la tête.

— Les navires de guerre Hapan sont toujours organisés en blocus et ils empêchent nos vaisseaux d’escorter l’engin infecté jusqu’à la surface.

Nas Choka fronça les sourcils.

— Je croyais que les Hapan avaient réglé leurs comptes avec nous à Obroa-skai… Peu importe. C’est l’essence même d’une vendetta de continuer à empirer, jusqu’à ce qu’une des forces en présence soit éliminée.

Il adressa un regard en coin au tacticien.

— Détourne vers Zonama Sekot tous les vaisseaux des Domaines Tiwik, Tsun, Karsh et Vorrik. Préviens les commandeurs de faire attention à ce que leurs intentions ne soient pas trop évidentes, même si cela veut dire qu’il leur faudra plus de temps pour rejoindre le monde vivant. Nous allons faire souffrir les Hapan, comme à Fondor. Mais notre coup sera fatal et, avec les dieux à nos côtés, nous débarrasserons enfin cette galaxie de ses vendettas et de ses guerres.

 

Mara entendit Tahiri crier qu’elle avait trouvé Nom Anor. En pleine mêlée, prise entre les guerriers et les hérétiques, évitant les bâtons Amphi et parant les Coufee, Mara dut monter sur le cadavre d’un soldat Yuuzhan Vong pour le voir. Un coup d’œil avait suffi. Pour que Mara détecte de la peur dans le regard de Nom Anor. Et puis il avait disparu, se fondant totalement dans la foule. Incapable de le détecter, elle fit ce qu’il y avait de mieux à faire. Elle invoqua la Force, sauta jusqu’en bordure des pugilats, puis se catapulta en haut d’un escalier. Là, elle chercha un indice qui la conduirait à lui.

Fidèles à leur nature intrinsèque, les Humiliés et les guerriers étaient en train de courir vers les combats. Aucun d’entre eux ne tentait de quitter les lieux, peu importait les effusions de sang, ou qui était en train de gagner, puisque l’avantage ne cessait de passer d’un camp à l’autre.

Mara repéra assez vite une silhouette isolée en train de s’écarter, puis de filer discrètement par une place publique entourée, sur trois côtés, par des édifices fragilisés par les séismes. L’individu paraissait petit et portait la tunique d’un Humilié. Cependant, sa démarche était sûre, pareille à celle d’un exécuteur.

Prenant le temps d’adresser un message mental à Tahiri et à Kenth dans la Force, Mara sauta de l’escalier vers la haute loggia d’un temple voisin. De là, elle se laissa couler jusqu’au sol et courut à la suite de Nom Anor, son sabre laser à la main pour éviter que quiconque ne s’avise de se dresser en travers de son chemin. Elle s’engagea sur la place, marquant de courtes pauses afin de vérifier les embouchures des rues. A nouveau, elle aperçut sa proie qui disparaissait derrière un grand mur effondré. Elle allongea le pas, sauta par-dessus des tas de gravats et des piles de débris, passa entre les troncs carbonisés d’arbres immenses et se mit à zigzaguer sur un sentier qui traversait l’ancien Quartier des Colonnes, sorte de vaste esplanade enterrée et plantée de hauts piliers qui soutenaient jadis de grands immeubles. C’était à l’époque le district des bureaux des éditeurs et des réalisateurs de feuilletons holographiques diffusés sur le réseau HoloNet. Les grandes sociétés de production et de médias y avaient également leurs quartiers généraux. Au moment de la Guerre Civile Galactique, l’endroit était devenu le terrain de jeu de prédilection des officiers de la propagande, chargés de contrôler tout ce qui était publié au sujet de l’Empire.

Le grand avantage de Mara sur Nom Anor, c’était qu’elle connaissait bien mieux le quartier que lui, même dans son état actuel de délabrement. Mais, sous sa défroque de Prophète, il avait visiblement eu le temps de se familiariser avec les canyons urbains de Coruscant, il avait dû fréquenter tous les individus les plus louches, les bandits, les vendeurs de bâtons de la mort, car il entraîna Mara dans une course-poursuite au tracé plus sinueux qu’une galerie de vers des conduits. Plus ils descendaient vers les niveaux inférieurs et plus l’environnement devenait sombre et humide. Mara avait pris sa décision. Elle pourchasserait Nom Anor jusqu’au noyau même de la planète, si nécessaire.

La chasse continua, vers des étages toujours plus obscurs, où de l’eau fétide s’écoulait des plafonds fissurés, où les seuls rayons de lumière provenaient de brèches entre les immeubles effondrés sur les plaines verdoyantes qui s’étendaient à présent en surface.

Gagnant du terrain, Mara le vit saisir une liane et s’élancer par-dessus un large précipice. Nom Anor attacha la liane de son côté du ravin, s’arrêta pour sourire à sa poursuivante, persuadé à présent que son salut était assuré. Elle se figea brièvement juste en face de lui, puis courut jusqu’à une section plus étroite du ravin, qu’elle parvint à franchir d’un seul bond.

Quand elle rejoignit l’endroit où il se trouvait quelques instants auparavant, celui-ci avait disparu dans les ruines d’un immeuble d’une société de presse. Elle l’entendit trébucher sur des débris de transparacier, puis défoncer une porte en bois. Elle reprit sa course. Là aussi, de minces pinceaux de lumière descendant des plafonds éclairaient des mares d’eau croupie. Une odeur répugnante de moisi et de décomposition flottait dans l’air étouffant.

Elle parvint à éventer un piège qu’il venait de lui tendre en laissant croire qu’il s’était éclipsé par une porte qui débouchait sur un abîme obscur de près de cinq cents mètres de profondeur. Mara réussit également à ne pas se laisser surprendre par l’effondrement d’une voûte, à peine soutenue par une poutrelle que Nom Anor venait d’arracher grâce à son extraordinaire force musculaire.

Haletant, trébuchant de plus en plus fréquemment, le soi-disant prophète était apparemment en train de se fatiguer. Mara détecta tout cela, et plus encore, grâce à son ouïe particulièrement fine. Elle défonça une dernière porte d’un violent coup de pied, perçut le son caractéristique du cran de sûreté d’un blaster. La Jedi entra dans la pièce et découvrit Nom Anor caché derrière les restes en putréfaction d’un Twi’lek vêtu d’un uniforme d’agent de la sécurité.

Elle invoqua la Force pour amener son sabre laser jusque dans sa main au moment même où Nom Anor pressait la détente de son arme. Sa lame renvoya méthodiquement les rayons mortels les uns après les autres, jusqu’à ce que les réserves énergétiques du blaster soient épuisées. Nom Anor ne perdit pas de temps à lancer l’arme vide vers son adversaire. Au lieu de cela, il battit en retraite, en marche arrière, le regard braqué sur elle. Mara avançait, calmement, froidement, les yeux fixés sur sa proie.

Un mur écourta brusquement la tentative de fuite de Nom Anor.

Il se redressa en grognant, dégaina son Coufee et se mit à fouetter frénétiquement l’air devant lui.

Mara fit un bond en arrière pour se mettre hors de portée, puis éteignit sa lame afin d’encourager son opposant à la charger. Ses mains se lancèrent dans un tourbillon flou, déviant les attaques du Coufee, franchissant avec dextérité l’enveloppe de défense créée par les bras de Nom Anor. Elle parvint à le gifler, le frappa à la poitrine puis à la mâchoire, jamais assez fort pour l’assommer, mais suffisamment pour l’obliger à reculer à chacun de ses coups. Elle continua ainsi de se jouer des attaques de plus en plus désespérées de son adversaire pendant quelques instants, puis, alors qu’il tentait de se redresser, elle lui administra un coup de pied circulaire, de la pointe de sa botte droite, au niveau des genoux. Nom Anor tomba alors sur elle. Elle fit un pas de côté et l’envoya voler contre une paroi.

Elle accentua ses attaques.

Ça, c’est pour Monor Deux, se dit-elle, en référence à l’endroit où elle avait été victime des spores Coomb. Et ça, c’est pour toute la merde que tu as foutue à Rhommamool !

Elle le feinta de ses doigts raidis lancés vers sa gorge, puis l’envoya au sol d’un uppercut, lui faisant lâcher son Coufee.

Ça, c’est pour avoir formé les Brigades de Paix… Ça, c’est pour avoir envoyé Elan assassiner les Jedi… Ça, c’est pour ton double jeu avec les Hutt et Viqi Shesh… Et ça, c’est pour avoir saboté les installations des réfugiés sur Duro !

Tirant le meilleur parti de son agilité, elle laissait sciemment apparaître des failles dans son périmètre de défense, incitant Nom Anor à l’attaquer pour pouvoir ainsi mieux frapper son crâne nu, son visage au nez épaté, son œil bleu à la pupille féline.

Ça, c’est pour le pacte bidon que tu as promis à Leia et à Han sur Bilbringi… Ça, c’est pour ton apparition au Sénat… Ça, c’est pour le rôle que tu as tenu – même si j’ignore en quoi il consistait dans la mort de Chewbacca et celle d’Anakin… Ça, c’est pour avoir essayé de livrer Jacen à Tsavong Lah… Et puis, ça, c’est pour tes sabotages sur Zonama Sekot…

Nom Anor, soûlé de coups, écarta les bras, elle s’approcha prestement de lui et frappa, des coudes et des poings, ses lèvres scarifiées et ses oreilles, prenant bien soin de ne jamais se trouver dans l’axe de son œil gauche, sachant qu’il pouvait à tout moment lui décocher un jet de venin. Elle pivota sur son pied gauche et le frappa du pied droit en pleine poitrine. Le souffle coupé, il tomba à genoux, la main serrée sur son torse.

Il eut toutes les peines du monde à se relever. Quand il fut debout, Mara l’expédia de nouveau à terre, d’un coup de poing en pleine face. Une lueur de crainte s’était allumée dans son œil valide. Il avait passé beaucoup trop de temps au milieu d’individus chérissant la vie, au point qu’il avait fini par la chérir lui-même. Contrairement à ceux qui se battaient à mort dans les rues et sur les places de la surface, Nom Anor souhaitait plus que tout continuer à vivre. Mara le devina, dans la misère de son regard. Cette volonté de s’accrocher à l’existence suintait par tous les pores de la peau de Nom Anor. Le prophète recula doucement, en titubant, jusqu’à ce que son dos s’appuie contre le mur. Puis il se laissa lentement glisser jusqu’au sol.

Mara activa alors son sabre laser et pointa l’extrémité de sa lame vers le bas, légèrement sur sa droite. D’un seul coup de balayage ascendant en diagonale sur la gauche, elle enverrait sa tête voler à plus de cinq mètres de là.

Nom Anor se plia en deux et pressa son visage contre le sol détrempé en signe de servilité.

— Tu m’as vaincu, Mara Jade Skywalker, dit-il sans relever la tête. Je n’implorerai aucune pitié.

Elle ne répondit pas immédiatement. Il leva les yeux vers elle, constata qu’elle n’avait pas bougé.

— A quoi est-ce que cela va servir de me tuer maintenant ? Oui, d’accord, cela devrait te satisfaire. Mais cela n’aidera en rien à mettre un terme à cette guerre, n’est-ce pas ?

— Pour le moment, je me contenterai de ma seule satisfaction… dit-elle, lugubre.

Il déglutit péniblement avant de reprendre la parole :

— Je suis un intrigant et un assassin. J’ai causé quantité de torts, à toi et à beaucoup d’autres. Mais, sincèrement, étais-tu si différente quand tu travaillais au service de l’Empereur ? De Dark Vador ? Tu n’étais qu’une exécutrice, faisant ce pour quoi l’on t’avait entraînée, non ? Nous servons tous un Maître, Mara Skywalker. Mais je suis prêt à croire à présent que tu sers la Force.

Elle fit un pas en avant et ses suppliques se firent plus frénétiques :

— Tu es une mère, maintenant ! Que dirait ton fils s’il pouvait te voir ? Est-ce que c’est ça que tu souhaites qu’il apprenne ? L’art de tuer de sang-froid ?

Les narines de Mara frémirent.

— Tu as failli réussir à me priver de mes chances d’avoir un enfant…

— Je le sais, dit-il en soutenant son regard. Mais, tout bien réfléchi, ne fais-je pas autant partie de la vie que ton enfant fait partie… de la Force ?

Il se frappa la poitrine à deux mains.

— Regarde-moi ! Je n’ai plus aucun pouvoir !

Mara fit un autre pas, leva son sabre laser.

— Mais je peux t’aider ! cria-t-il. J’ai changé. Tu m’as bien vu conduire la révolte des Humiliés, non ? Tout comme toi, je souhaite que cette guerre se termine. Je serais déjà devenu votre allié, si Vergere et Jacen avaient accepté de m’emmener à bord de ce vaisseau de corail que, moi, j’avais construit dans le seul but de quitter Coruscant. Tu vois, Mara Skywalker ? J’ai dit Coruscant ! Je sais que ce monde est à toi. A vous ! Il l’a toujours été et le sera à jamais, même si les Yuuzhan Vong sont victorieux. Une dernière chance… Laisse-moi t’apporter la preuve de ma bonne foi.

Mara leva la lame étincelante vers le cou de Nom Anor. Puis elle désactiva son sabre et le raccrocha à sa ceinture.

Nom Anor arbora alors une expression indéchiffrable. Visiblement, il ne s’attendait pas à être épargné. Il comprit que ses propres paroles n’avaient pas réellement contribué à arrêter les intentions de Mara. Ses propos étaient sortis machinalement de sa bouche. Non, quelque chose d’autre avait dû influencer la Jedi. Quelque chose qui dépassait son entendement. Pendant un long moment, il la regarda avec perplexité.

— Un guerrier Yuuzhan Vong aurait été dégoûté par mes actions, dit-il enfin. Il m’aurait tué avec aisance, comme il l’aurait fait avec un droïde. Cependant, ma couardise ne semble susciter aucun mépris de ta part. Tu me laisses la vie sauve…

Mara plissa les yeux.

— Je ne crois pas un traître mot de ce que tu me racontes et j’ai toujours su que tu n’étais qu’un trouillard. Tu es coupable de trop de crimes pour qu’on puisse en dresser la liste, mais il est hors de question que je sois ton bourreau. Ce qu’on va faire de toi ? Je laisse à d’autres le soin de régler ce sujet.

Elle lui fit signe de se relever.

— Si tu souhaitais réellement mettre un terme à ce conflit, tu n’aurais pas dû te mêler des affaires de Zonama Sekot.

— Mais j’ai voulu simplement épargner la planète… Et maintenant, Shimrra est fermement résolu à la détruire. Il est persuadé qu’elle a été remise aux Jedi par les dieux comme un moyen de tester notre valeur et de mettre notre loyauté à l’épreuve. Shimrra prétend qu’il dispose d’un poison qui pourrait détruire Zonama Sekot.

Mara sentit un frisson glacé lui parcourir l’épine dorsale.

— Quel poison ?

Nom Anor haussa les épaules, presque indifférent.

— Un agent infectieux concocté par l’Alliance, qui aurait été répandu sur une planète appelée Caluula.

Alpha Rouge, comprit immédiatement Mara avec terreur.

Elle attrapa Nom Anor par l’épaule et le poussa vers la porte.

— Bien, tu vas me prouver maintenant que tu es digne de tout le temps que je t’ai consacré.

 

Reprenant la forme générale du vaisseau-monde citadelle, la résidence privée de Shimrra, qu’on appelait le Coffre, était une vaste casemate aux plafonds voûtés, aux murs polis et aux colonnades majestueuses. De la partie orientale de son plancher circulaire démarrait un escalier de corail yorik qui conduisait à un niveau supérieur où, prétendait-on, étaient installées les commandes qui permettaient d’éjecter la couronne de la forteresse dans l’espace. Le système était semblable à celui équipant le Puits du Cerveau-Monde. Ainsi Shimrra et le dhuryam étaient assurés de survivre, peu importait ce qu’il adviendrait de la race Yuuzhan Vong et de toutes ses créations biotechnologiques.

Le Coffre était doté d’un trône, mais Shimrra ne s’y était pas encore installé depuis l’instant où un luxueux dispositif, fonctionnant avec des basals dovins et rappelant un turboélévateur, l’avait déposé à la résidence. Le Seigneur Suprême était bien trop énervé pour rester assis. Il était bien trop absorbé par l’ensemble d’images, relayées par des villips, présentant Yuuzhan’tar en proie aux incendies, les Humiliés courant dans les rues, les troupes de l’Alliance affrontant guerriers et vaisseaux, filant à travers les cieux emplis de fumée, dardant sur la citadelle des décharges d’énergie étincelante.

Les gardes du corps massacreurs avaient accompagné Shimrra jusqu’au Coffre. Onimi était également présent.

Il devait certainement s’agir du seul et unique Humilié de Yuuzhan’tar, ou de n’importe quel autre monde occupé, encore content de se traîner aux pieds des membres de l’élite. Une modeleuse, également maîtresse des villips, avait été convoquée, afin que Shimrra ne perde aucune miette de la dévastation.

— Nous devrions nous réjouir, dit le Seigneur Suprême en marchant de long en large, à la grande consternation de son auditoire restreint.

Il fit un geste vers Onimi, accroupi de façon presque possessive près du trône austère.

— Alors ? Tu n’as pas une petite poésie à nous réciter, aujourd’hui ? Pas de rimes ? Pas de raillerie, ni de moquerie ? Une petite saillie drolatique pendant que Yuuzhan’tar brûle, peut-être ?

Le visage solennel, Onimi se leva pour déclamer ses vers. Il n’affichait pas son air habituel de contentement et s’abstint de regarder Shimrra ou qui que ce soit d’autre, conservant les yeux braqués sur le plafond voûté et, probablement, les cieux qui s’étendaient au-delà.

Qui peut rester de marbre, quand fait rage l’incendie,

Que les divinités ont lancé dans la nuit ?

Que ressent donc un dieu, lorsque proche est la mort,

Et qu’il croit sans encombre parvenir à bon port ?

Shimrra garda le silence pendant un long moment, puis il hocha lentement la tête.

— Oui, Onimi, tu as parfaitement raison de leur adresser cet avertissement. Tout cela ne se déroule-t-il pas comme je l’avais planifié ? Comme je l’avais imaginé ? Zonama Sekot va mourir, ses vaisseaux vivants vont périr, les Jedi seront privés de leurs armes et les dieux seront vaincus. J’en serai enfin débarrassé. Yuuzhan’tar se relèvera et j’aurai nettoyé cet univers de toute sa vermine.

La modeleuse attendit que Shimrra ait fini pour quitter la zone où était implanté le chœur des villips.

— Redoutable Seigneur, le Grand Prêtre Jakan nous informe que des saboteurs ont été capturés au Puits du Cerveau-Monde. Apparemment, le prêtre Harrar se trouverait parmi eux.

— Harrar ! s’exclama Onimi, avant de se ressaisir et d’aller se recroqueviller au pied du trône.

Shimrra le foudroya du regard et se tourna vers la laborantine.

— Ah… Il est bien trop malin, celui-ci, même pour Nom Anor. Je comprends qu’il ait survécu. Mais le voilà à présent dans le camp ennemi… A-t-il été contraint ou convaincu ? Je me le demande…

Il pivota de nouveau vers Onimi.

— La trahison devient monnaie courante dans notre beau royaume, mon favori. Les dieux renient leur propre foi par leurs créations. Les Humiliés s’élèvent contre ceux qui ont souffert depuis si longtemps pour eux. Et voilà que notre cher Harrar est en train d’abandonner l’élite…

— En supposant qu’ils correspondent à vos attentes et obtiennent votre bénédiction, Puissant Seigneur, dit la modeleuse, les prisonniers peuvent être préparés pour le sacrifice.

— Je t’en prie, hâte-toi, dit Shimrra. Va les rejoindre. Que ces dernières onces de chair profitent donc aux dieux avant que nous leur tournions définitivement le dos.

Des explosions étouffées ponctuèrent le silence pesant qui suivit le départ de la modeleuse. Le Coffre trembla sous les bombardements aériens continus de l’ennemi.

Un guerrier blessé portant une armure de crabe vonduun, surgi de nulle part, entra et s’approcha en titubant du trône. Il fit encore quelques pas et tomba à genoux, du sang noir s’écoulant de l’affreuse blessure qu’il portait au côté droit.

— Seigneur… commença-t-il d’une voix faible. Des guerriers ennemis ont encerclé la citadelle. A l’heure actuelle, certains sont même en train d’essayer de s’introduire par la force…

Shimrra s’approcha de lui pour étudier sa blessure.

— Mais, dis-moi, ce n’est pas une blessure de blaster, ça…

— Il y a trois Jeedai, Seigneur. A la porte ouest.

Les massacreurs firent tous un pas en avant. Shimrra leur ordonna de reculer.

— Que les Jeedai viennent jusqu’à nous, dit-il en regardant Onimi. Après tout, pourquoi la diversion serait-elle l’apanage des seuls Maîtres de Guerre, hein ?

La Force Unifiée
titlepage.xhtml
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_000.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_001.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_002.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_003.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_004.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_005.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_006.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_007.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_008.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_009.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_010.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_011.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_012.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_013.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_014.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_015.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_016.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_017.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_018.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_019.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_020.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_021.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_022.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_023.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_024.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_025.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_026.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_027.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_028.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_029.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_030.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_031.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_032.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_033.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_034.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_035.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_036.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_037.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_038.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_039.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_040.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_041.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_042.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_043.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_044.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_045.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_046.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_047.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_048.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_049.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_050.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_051.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_052.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_053.htm
James Luceno - Le Nouvel Ordre Jedi [19] - Le Force Unifiee_split_054.htm